lundi 10 octobre 2016

Cessons d’hurler aux ET comme les loups!

On devrait se réjouir des propos prêtés dernièrement au pape contre la théorie du genre [i], dignes d’un bon pasteur : bon envers les pécheurs, fussent-ils des homosexuels militants ou des « transsexuels », comme envers les « divorcés-remariés » ; mais aussi intraitable envers le péché en lui-même, en l’occurrence contre-nature donc, il est vrai, d’un degré nettement supérieur en gravité à ceux qui ne le sont pas. 

Dans le continent dont est issu François, composé de pays et de sang encore relativement neufs, donc moins dégénérés que ceux de la vieille Europe, on éprouve peut être plus vivement de la répulsion, au niveau naturel, à l’égard de ces péchés ; alors que l’origine majoritairement latine, au sang chaud, de son peuplement pourrait expliquer une inclination à trop d’indulgence envers les écarts par rapport à la loi divine et naturelle mais malgré tout dans la ligne de la nature… 

Ainsi peut on comprendre la différence manifeste d’attitude chez le pape confronté tantôt à la grave question des « divorcés-remariés », tantôt à celle de la théorie du « genre ».

Mais cette explication n’est bien-sûr pas tout à fait satisfaisante. Il faut y ajouter le fameux « esprit du Concile » qui lui a interdit d’interdire, qui a voulu exclure de ses textes les anathèmes habituels des conciles précédents ou du passé en général. Ils ne visaient pourtant que les graves erreurs ou péchés en eux-mêmes et non a priori la personne de leurs auteurs à l’égard de laquelle l’Eglise a toujours été d’une miséricorde et d’une patience admirables. Non sans les punir, parfois, en cas d’obstination manifeste, autant pour la préservation du bien commun que pour provoquer le retour à l’orthodoxie, première condition du salut éternel, chez les délinquants. 

C’est un fait que des esprits faibles ou sans grande charité ont pu prétexter des condamnations passées pour laisser libre cours à leur méchanceté ou perversité naturelles et aller jusqu’à déshonorer l’Eglise et le nom chrétien par des agissements tout à fait répréhensibles montés ensuite en épingle - et probablement exagérés : « mentez, mentez ! », était le mot d’ordre de Voltaire - par leurs ennemis (à propos, par ex., des croisades et de l’inquisition, entreprises très louables en elles mêmes et globalement bonnes en leur réalisation [ii], même si entachées de faiblesses humaines). 

Montrer du doigt de tels excès - hypocritement car on sait très bien qu’il y en aura toujours en ce bas monde - n’était, là aussi, qu’un prétexte pour justifier la « tolérance » libérale, la légitimité quasiment reconnue au mal (par ex., en autorisant la communion, sans exiger le repentir et sans éviter le scandale, à ceux qui se sont « remariés » alors qu’un précédent lien de mariage demeure aux yeux de l’Eglise) comme au bien. Elle n’en est donc, en fait, que l’excès opposé et non le vrai juste milieu qu’est la vertu et ici la tolérance véritable et catholique. A ses yeux le mal reste le mal à part entière même si elle juge préférable, par prudence et patience, de ne momentanément pas l’empêcher ou le réprimer totalement [iii].

Le pape actuel ne peut être tenu responsable de ce mauvais esprit qui a présidé au dernier concile. Mais il en est malheureusement devenu un ardent adepte ou plutôt prisonnier. Certains de ceux qui se veulent les plus catholiques, plutôt que se tirer une balle dans le pied en dénigrant l’institution divine, qui est le fondement même de l’Eglise, par le ton de leurs critiques, à l’instar de nos ennemis [iv], feraient donc mieux de faire preuve de vraie charité, dont fait partie le respect…, envers leur prochain par excellence qu’est le Saint Père, le Père commun de TOUS les catholiques, par le minimum de bienveillance et de volonté secourable auquel chacun a droit. Et lui en premier !

B.Y.
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[i] cf. Le Figaro du 4 octobre dernier 
[ii] cf. Le Figaro Magazine du 12 août dernier 
[iii] cf. le sage Edit de Nantes du « bon » roi Henri IV envers les protestants français 
[iv] comme notre pauvre « ministre de l’Education »…

vendredi 22 juillet 2016

Les « sedevacantistes » : leurs au moins double aberration et désertion !

St Pierre s’est distingué parmi tous les Apôtres par la promptitude de sa foi, c.-à-d. à adhérer à l’article de notre Credo proclamant la divinité de Jésus-Christ en lequel se récapitule, comme l’affirme St Paul, toute la religion catholique car il suppose celui sur la Trinité, avec sa seconde personne incarnée, et tous les autres articles en découlent. Or, comme le Fils de Dieu le lui a dit, ce ne sont pas la chair et le sang (Mtt., 16), c.-à-d. la raison humaine ou naturelle, qui ont pu faire connaître au Prince des Apôtres des vérités qui la dépassent de façon absolue, qui lui sont totalement impossibles à concevoir, mais la seule Parole divine [1]. Voila pourquoi il lui paraît on ne peut plus normal d’être docile à celle-ci en recevant humblement son enseignement ou tout ce qu’elle a bien voulu nous révéler sur la divinité elle-même, sur la destinée qu’elle a préparée à ses créatures, surtout celles faites à son image ou participant à sa nature spirituelle. Son esprit est donc naturellement religieux. Pour lui l’existence d’un être transcendant, infiniment au-dessus et distinct de tous les êtres connus et qu’on appelle Dieu, va de soi.

Comme cette simplicité ou cette spontanéité de Pierre à croire en Dieu tranchent non seulement avec la lenteur de l’Apôtre Thomas mais aussi et bien plus gravement avec la difficulté de l’homme moderne à accepter soit déjà la vérité élémentaire de l’existence de Dieu (notamment dans la France « laïque » d’aujourd’hui devenue l’un des pays les plus areligieux au monde), soit a fortiori l’idée de se soumettre en tout à son autorité ! Il n’y a certainement pas progrès en cela mais au contraire une régression de l’humanité demeurée jusque là universellement religieuse depuis ses origines, même si avec des déviations graves (dans les judaïsme et christianisme d’origine eux-mêmes comme hors du judéo-christianisme); et d’autant plus grande que parallèlement la connaissance de toutes les merveilles de la nature et de l’harmonie parfaite entre elles a, elle, considérablement progressé, mettant encore plus en lumière qu’autrefois l’existence de cette intelligence supérieure et de cette bonté, qui se répand si généreusement, qu’est Dieu, leur seule explication satisfaisante et rationnelle possible. C’est cette quasi évidence que refusent de reconnaître les agnostiques et les matérialistes soi-disant scientifiques ! Difficile de ne pas y voir un acte d’orgueil (peut-être inconscient chez certains) ou de mauvaise volonté, celle pour la créature de ne pas dépendre de son créateur [2]. On tombe alors là dans l’absurde car quel esprit sensé ne voudrait pas dépendre de la bonté infinie ? N’est-ce pas folie de vouloir s’en séparer individuellement et socialement pour le présent donc pour l’éternité ? Voila sans doute comment on peut en arriver à ce degré de malice qui rend l’homme tellement mauvais ou dépourvu de bonté qu’il devient incapable de concevoir Dieu comme la bonté même et de se tourner vers elle avec amour (le fameux blasphème contre le St Esprit). Quel aveuglément épouvantable! Que Dieu nous en préserve au moins personnellement sinon collectivement !

Revenons à la simplicité bien plus sympathique de St Pierre ! Elle lui a attiré la bénédiction divine autant que l’esprit d’indépendance attire à son auteur la réprobation, sinon la malédiction : « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle » (Mtt., 16). Autrement dit : « par ta foi exemplaire, tu as été jugé le plus digne pour tenir ma place de manière visible lorsque je serai remonté au Ciel ; et tu as surtout mérité, en retour, ma protection toute spéciale sur mon Eglise, donc sur toi, contre les menées de l’Enfer qui ne visent rien de moins que sa ruine totale ». On peut en déduire que si nous assistons de nos jours à ce qui ressemble beaucoup à cette œuvre de destruction, c’est le moins qu’on puisse dire, c’est que la foi du successeur de Pierre, comme d’ailleurs de ses prédécesseurs immédiats, n’est pas exemplaire, est très imparfaite, sinon gravement défaillante. Elle laisse, en effet, prévaloir les pauvres petites pensées de l’homme [3] sur celles sublimes et adorables de Dieu [4] comme nous l’avons encore constaté dernièrement avec consternation à propos, par exemple, du lien sacré du mariage…

Ce n’est donc pas pour rien que l’Eglise a depuis toujours coutume de prier spécialement à chaque messe, entre autres, pour son chef. Nous devons prendre très à cœur cette prière car Jésus a aussi dit « veillez et priez sans cesse », « demandez et vous recevrez », ce qui signifie que la protection divine sur l’Eglise d’aujourd’hui dépend certainement de nos prières pour le pape, comme la délivrance de Pierre de la prison d’Hérode a dépendu de celles de la première communauté chrétienne à Jérusalem. De nos jours, son successeur, comme d’ailleurs la grande majorité du clergé, est prisonnier, sinon physiquement, au moins spirituellement, intellectuellement de philosophies ou de manières de réfléchir qui prévalent dans le monde mais qui sont incompatibles avec une pensée vraiment chrétienne, qui la combattent ou la pervertissent [5]. Ce n’est pas un jugement personnel mais celui du plus grand pape de notre époque, St Pie X, qui a depuis longtemps [6] diagnostiqué ce mal des plus graves qui la ronge et qu’il a appelé le modernisme ou « le collecteur de toutes les hérésies ! ». Que cela puisse aller chez un pape lui-même jusqu’à lui faire perdre totalement et intimement non seulement la foi mais aussi la papauté, dont la mission principale est de transmettre inviolablement et de défendre la première, ne peut l’affirmer en toute certitude que celui qui a seul sur terre le pouvoir suprême de lier et de délier, à savoir un pape… D’où la position doublement aberrante des « sedevacantistes » qui, en plus de leurs folles prétention [7] et présomption à affirmer par leur propre et seul jugement (et « ex cathedra » !) que le siège de Rome serait vacant, se dispensent ainsi de prier pour la délivrance de celui qui y a été au moins légalement [8] élu donc privent l’Eglise de précieuses prières au moment où elle en a le plus besoin! Ce qui ressemble fort à un lâche repli, à l’abri des coups inévitablement reçus sur la ligne de front à tenir, qu’on appelle aussi une désertion…

B.Y.
[1] les innombrables et éclatants miracles de J.-C. et des Apôtres ne font que la confirmer 

[2] dépendance qui, dans l’Eglise ou au niveau surnaturel, doit être totale, à commencer chez le pape envers J.-C. et la Tradition de l’Eglise jusqu’à lui, puis chez les évêques envers J.-C., la Tradition et le pape, ensuite chez les prêtres envers J.-C., la Tradition, le pape et leur évêque, enfin chez les fidèles envers J.-C., la Tradition, le pape, leur évêque et leurs prêtres 

[3] surtout depuis le Concile Vatican II 

[4] contenues dans toute la Révélation de J.-C. puis dans la Tradition qui la complète sans la contredire sous l’action du St Esprit 

[5] seules les philosophie et théologie thomistes cadrent parfaitement avec elle, comme l’affirme St Pie X à la suite de la plupart des papes 

[6] encyclique « Pascendi » en 1908 

[7] le gouvernement de l’Eglise, voulu par le Christ à perpétuité, est monarchique et non démocratique 

[8] à distinguer de « légitimement » qui a une connotation morale donc suppose que les cardinaux responsables de l’élection aient voté en âme et conscience ou en estimant que l’élu avait au moins les qualités indispensables requises ; et que l’élu ait accepté le vote dans le même esprit ; ce qu’il serait illégitime de ne pas supposer sans preuve formelle ou indubitable du contraire…

mardi 31 mai 2016

« Ils en ont parlé » (des accords avec Rome…)


Ce titre évoque certainement pour beaucoup, au moins chez ceux d’un certain âge, la fameuse image d’Epinal inspirée de l’affaire Dreyfus et étant en réalité double car représentant un dîner, dans la société apparemment distinguée de l’époque (fin XIX), avant et après que la conversation soit tombée dessus… Il y a, en effet, des sujets tabous qui ne peuvent être abordés sans déchaîner, chez certains, des passions comme la colère, voire la haine, lesquelles provoquent en sens opposé, par réaction, les mêmes passions, ce qui rend impossible toute discussion constructive.
                                  
En l’occurrence, toute cette histoire en rapport avec cet officier d’origine juive réveillait le sentiment exacerbé, donc passionné, et multiséculaire de l’antisémitisme, cette antipathie viscérale, ni rationnelle, ni surnaturelle comme celle envers le péché (mais non envers le pécheur), éprouvée par un bon nombre envers les descendants de ceux qui non seulement refusèrent de reconnaître le Christ comme Messie mais n’eurent que haine envers lui, poussèrent à sa condamnation, persécutèrent ensuite ses disciples puis, chassés de Palestine et répandus dans le monde (connu) devenu chrétien, n’eurent de cesse de perpétuer parmi eux les mêmes sentiments et d’autant plus que leur immense mépris pour les non-juifs les incitaient à ne pas se mêler aux autres peuples sinon pour leurs seuls intérêts ou pour en tirer profit de toutes les manières possibles et immorales (cf. le Talmud, la pratique de l’usure etc.). Si elle est compréhensible, la faiblesse humaine fait qu’elle pouvait facilement dégénérer en excès qui obligèrent même, à bien des reprises dans l’histoire, l’Eglise et ses meilleurs disciples à prendre leur défense contre ses propres fils égarés qui les persécutaient, à leur tour, de façon tout aussi injuste, voire cruelle : le chrétien ne rend pas le mal pour le mal !
                      
Aujourd’hui, un nouveau sujet tabou est apparu non à l’échelle de tout un peuple, comme la précédente affaire, mais à celle plutôt d’un microcosme, celui de la «Tradition » « canal historique » ou de la Fraternité St-Pie X ; et à propos de ce qu’une minorité très remuante dans cette déjà minorité appelle « les accords avec Rome » (avec laquelle les désaccords doctrinaux ne cessent de s’accentuer et d’être soulignés par son autorité). 
                      
Remuante donc passionnée et à un point qu’on imagine difficilement si on n’en a pas été témoin : tout sauf paisible (la paix intérieure est pourtant la marque du St Esprit…), toujours à l’affût (avec internet…), voire obsédée par les moindres nouvelles venant de Rome ou de la maison généralice de leur Fraternité comme si toute la vie ne tournait plus qu’autour de cela; incapable de réagir posément à leur réception mais les jugeant à l’emporte pièce, car avec colère, et s’échauffant encore plus entre individus semblables du même parti et les rejetant forcément, alors, avec véhémence, voire mépris; incapable donc de considérer paisiblement ou à tête reposée les choses, surtout les avis a priori opposés aux leurs. 
                      
Passionnée donc excessive, notamment en étant tranchée ou sans nuances dans ses jugements du genre : « on ne doit pas chercher à gagner l’indulgence de l’année sainte du pape François puisque son enseignement sur la miséricorde, entre autres, n’est pas orthodoxe ». Comme si l’indulgence obtenue ainsi était nécessairement mauvaise ! De même : « on ne doit rien signer avec un tel pape puisque etc.», même si celui-ci, en vertu de son pouvoir apostolique détenu légitiment et usé ici à bon escient, reconnaissait à cette Fraternité le droit à exister de façon pleine et entière dans l’Eglise, pour le salut du plus grand nombre possible d’âmes, en ne changeant rien à son fonctionnement actuel et en n’exigeant même plus d’elle de reconnaître ce qu’elle a toujours refusé de reconnaitre (la conformité à la Tradition ou la bonté de tout le concile Vatican II et de la nouvelle messe qui en est issue). Car il y a, il est vrai, un immense paradoxe, voire un mystère, à ce qu’un tel pape manifeste réellement des dispositions aussi favorables. Mais ce fait pourtant indéniable (contra factum non fit argumentum) n’a pas l’heur de cadrer avec les catégories étroites de certains esprits trop simplificateurs, voire aveuglés par leur ire endémique (manifestation d’une crainte plutôt irrationnelle ?). Ils sont ainsi devenus incapables d’y voir l’œuvre avant tout de la Providence (donc du St Esprit en personne !) qui fait depuis toujours pousser la bonne semence au milieu de l’ivraie et a l’habitude de déjouer les pronostics humains, fussent ils pour la défense de la foi ! Les béatitudes comme « bienheureux les doux etc. », « bienheureux les pacifiques etc. » leur sont devenues du chinois, totalement étrangères. Eux aussi ne sont ils pas, au fond et finalement, adeptes de la loi du Talion : le mal (le mépris et peut être la haine) pour le mal ?… 
                      
Excessive donc tombant dans la contradiction, voire le ridicule, car il n’y aurait aucun inconvénient, selon cette minorité, à gagner, cette année, l’indulgence du Puy, sans doute d’institution très ancienne mais qui ne peut être obtenue aujourd’hui que par le bon vouloir du pape régnant ou qu’en vertu du seul pouvoir du successeur de Pierre en place…
                      
Excessive donc provoquant les réactions indignées, voire courroucées, à leur tour, du parti loyaliste envers l’autorité de la dite Fraternité accusée injustement et obstinément par les premiers de trahison (elle aussi…). 
                      
Dans ces conditions, créées par elle, on ne voit pas comment il est encore possible d’aborder avec toute la sérénité nécessaire ce sujet en société ou lorsque tout ce petit monde se trouve réuni (peut être même en chapitre ?…). Qu’elle ne s’étonne et ne s’offusque donc pas d’être éventuellement mise devant le fait accompli !
                      
N’est ce pas le même problème à l’échelle de la hiérarchie de toute l’Eglise quand est abordée la question de la Fraternité St-Pie X? On comprend alors que le(s) pape(s) (déjà Benoît XVI) soi(en)t également tenté(s) d’agir motu proprio pour résoudre cette question si sensible au sommet comme à la base. 
                      
Moralité de l’histoire : quand « ils en ont parlé » sans avoir su le faire comme entre gens de véritable bonne compagnie, avec calme, courtoisie et droiture, on en arrive fatalement à ce que « ils n’en ont pas parlé » !

lundi 30 mai 2016

Les distinctions d'un pape

« Les illusions d'un pape » est le titre de la recension, dans un hebdomadaire dit de « droite » de ce mois de mai, sur une parution récente revenant sur la question du « ralliement » à la République, en tant que régime, et accablant, une nouvelle fois, à son sujet le pape Léon XIII. L'auteur de l'article nous paraît en général mieux inspiré. Sans vindicte à son égard, nous allons néanmoins défendre un autre point de vue...
                    
En 1892, ce pape publie l'encyclique « Au milieu des sollicitudes » à l'intention des catholiques de France. Identifier, alors, la résistance à son message, prônant la reconnaissance du nouveau régime, avec l'ensemble des fidèles de la Fille aînée de l'Eglise est certainement une erreur. Elle est, en réalité, le fait d'une minorité. Pour preuve, l'effondrement, d'après ce papier lui même, du parti monarchiste français après l'encyclique papale. Il ne jouissait donc plus, déjà avant, de l'appui solide de la majorité des catholiques. Celle ci se rallia, non d'abord à la république, mais à ce qui lui parut une politique sage laquelle ne condamnait nullement la monarchie en elle même mais l'exagération pratique de certains de ses défenseurs. En effet, il ne s'agissait pas pour le pape de convaincre les catholiques « d'abandonner leur attachement à la monarchie » mais de faire preuve d'un vrai souci du bien commun qui de façon réaliste devait passer, à ce moment, par un renoncement provisoire à cette forme de gouvernement, étant donné qu'elle n'a rien d'absolument nécessaire pour un Etat aux yeux de la doctrine on ne peut plus traditionnelle de l'Eglise (cf. St Thomas d'Aquin).
                    
Cette minorité avait sans doute de bonnes raisons de détester ce gouvernement républicain, persécuteur de l'Eglise. Mais c'était alors le devoir du pape d'éclairer celle la afin de bien distinguer celui ci du régime qui n'est en soi pas mauvais. Ce en quoi, loin d'empiéter dans le domaine temporel de façon indue en imposant son choix (monarchie ou république), il ne faisait qu’entériner celui déjà accepté (plus de 20 ans après son avènement) par la majorité de la population et avait avant tout en vue le bien de l'Eglise ou des âmes ; mais ni la seule survie d'un ancien régime en soi caduc, ni même celle des propres Etats de l'Eglise qui, en l’occurrence, passait au second plan. C'est le manque de docilité, voire plus, à la voix autorisée du successeur de Pierre qui a pu valoir à des monarchistes les foudres de certains confesseurs ; autrement dit, leur attachement désordonné et non celui tout court à la royauté.
                    
Que Léon XIII n'ait pas obtenu l'apaisement espéré montre surtout la détermination sectaire de ses adversaires que charitablement il n'avait pas prise à sa juste mesure. Fort de l'expérience son successeur en tiendra compte et ne transigera plus. Mais avec une grande différence car autant on pouvait transiger sur un changement de régime, autant on ne le pouvait sur la place prééminente et exclusive qui devait revenir à l'Eglise de France dans une société civile encore majoritairement et profondément catholique. En cela St Pie X fut, certes, le seul qui ait vu clair mais par rapport à l'épiscopat français et non par rapport à son prédécesseur (cf. notre article « Le Cardinal Baudrillart et Monseigneur Lefebvre, fils éminents de France et de l’Eglise »).
                    
Il n'y a de paradoxe dans l'attitude de ce souverain pontife que pour ceux qui ne l'ont pas comprise ou qui n'ont pas voulu la comprendre, par un attachement non raisonnable mais passionnel à un régime plutôt qu'à un autre, ou qui ne possèdent pas l'art de la distinction propre à tout vrai disciple de St Thomas qu'il était : ici entre le régime républicain bon en soi (comme la monarchie) et le gouvernement en place évidemment mauvais (qui aurait pu être monarchiste comme cela s'est vu dans d'autres pays). Ne pas faire cette distinction reviendrait aujourd'hui à ne pas faire, par ex., celle entre nazisme et Allemagne ! Distinguer ainsi n'est nullement en contradiction avec sa condamnation claire et vigoureuse du libéralisme car il fait aussi partie de la pratique traditionnelle de l'Eglise de tolérer, parfois, ce qu'elle condamne. Cela n'a rien d'une attitude libérale sauf pour ceux qui de nouveau ne savent pas distinguer la tolérance vraiment catholique de la soi-disant telle des libéraux qui n'en est pas une car elle n’existe qu’envers ce qui est mal à ses yeux alors que soit ce qui est mal pour nous est bien pour les libéraux, soit ce qui leur paraît tel ne doit plutôt pas être permis selon eux: « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » (cf. le génocide vendéen sous la Révolution, par ex., d'esprit libéral en dépit des apparences...). Car ils ne connaissent pas davantage la charité mais n'ont que haine envers leurs adversaires.
                    
Le vrai paradoxe est qu'une telle attaque contre ce pape accusé d'être libéral trouve sa place dans un hebdomadaire qui, bien que réputé « de droite », ne fait de l'antilibéralisme (philosophique - celui condamné par Léon XIII – à ne pas confondre avec l'économique) ni son fond de commerce, ni son cheval de bataille, bien au contraire. En fait, il n'existe, aujourd'hui en France, aucun grand media antilibéral comme il en existait à l’époque de ce pape (« L'Univers » de L. Veuillot, par ex.). Comme il n’existe aucun grand parti politique antilibéral à l'instar du parti légitimiste d'alors, vrai et seul parti de « droite » contre tous les autres issus de la Révolution, plus ou moins de « gauche » ou se réclamant tous du principe libéral par excellence qu'est la liberté de conscience ou la primauté de celle ci sur la vérité, donc sur Dieu ; et par conséquent celle des fameux « droits de l'homme » sur ceux de Dieu : autant d'erreurs graves condamnées sans concession par le grand pape Pecci, entre autres. Il est donc pour le moins cocasse que ces libéraux se croient autorisés à lui donner une leçon d’antilibéralisme ! 
                    
Quant à l'auteur du livre, nous distinguons l’historien du philosophe ! L’historien qui apporte les matériaux que sont les documents et témoignages ; et le philosophe qui en affine l’interprétation. Or les jugements nous paraissent ici manquer singulièrement de nuances donc de justesse (comme dans l’interview donnée ce 21 mai dans un quotidien plutôt bien pensant). Que Pie IX ne fusse pas d’une nature portée à la diplomatie, peut être ? Mais en tant que pape, il était entouré d’une curie dont la réputation en la matière est universellement reconnue depuis des siècles et dont la pratique comporte nécessairement certains compromis comme, par exemple, tous les concordats. Que Léon XIII fut d’un naturel plus diplomate, sans doute. Mais user du compromis n’est donc pas le propre d’un esprit libéral ou manquant de surnaturel, bien au contraire. Car c’est la charité, l’âme de l’Eglise depuis toujours, qui est la cause de son art bien à elle de la concession qu’on appelle aussi tolérance (la vraie, la catholique) et qui parfois fait éviter concrètement « la lutte ouverte contre l’ennemi » dont en théorie on condamne pourtant sans ambages les faux principes. Telle est aussi l’attitude pastorale, c’est-à-dire à l’image de celle du Bon Pasteur et du Sacré Cœur, qui consiste à ne pas appliquer brutalement ou avec rigorisme la doctrine mais avec une patience inlassable, au risque de paraître peut être incohérent ou de ne pas être compris (scandale des faibles). De plus, avant d’opposer ces deux papes sur une même question, il faut avoir la connaissance parfaite de toutes les circonstances en lesquelles chacun a agi et qui ont fort peu de chances d’être identiques. Et il est un peu trop facile de reprocher au dernier, plus d’un siècle après les évènements, de ne pas avoir bien su prévoir le degré des mauvaises dispositions des ennemis de l’Eglise face à lui ! Enfin établir un parallèle, voire un rapport de cause à effet, entre le ralliement de Léon XIII et celui de Vatican II (à l’esprit du monde), c’est ne pas voir plus loin que le mot lui-même (ralliement) car il y a, en réalité, au moins une différence essentielle : d’un côté, une seule concession pratique et aucune quant à la doctrine de l’Eglise ; de l’autre, de multiples concessions d’abord doctrinales puis pratiques. Cette thèse ne s’en prend en définitive qu’à une chimère!

samedi 28 mai 2016

Jeanne, son anneau et les « migrants »

A l’occasion de la Ste Jeanne d’Arc, vraie fête nationale ou patriotique de chaque deuxième dimanche de mai, nous avons, cette année, fêté au moins dans nos cœurs la nouvelle et merveilleuse victoire qu’elle vient de remporter en subtilisant au nez et à la barbe des Anglais, mais en toute loyauté, un anneau à elle tombé en leur possession, il y a près de 600 ans, afin qu’il soit de retour sur le sol de sa patrie et redevienne la propriété de son peuple : Deo gratias ! Plaise à Dieu qu’elle en remporte encore une de nos jours mais digne d’elle ou de son esprit éminemment chevaleresque, c’est-à-dire on ne peut plus chrétien !...

Reportons nous, tout d’abord, à son époque où, s’adressant à Henri VI, elle lui dit : «Roi d’Angleterre, si vous ne le faîtes ainsi, je suis chef de guerre et en quelque lieu que j’atteindrai vos gens en France, je les en ferai aller, qu’ils veuillent ou non. Et, s’ils ne veulent obéir, je les ferai tous occire. Je suis envoyée de Dieu, le roi du Ciel, corps pour corps, pour vous chasser de toute la France».

Une telle et parfaite assurance de la part d’une vraie jeune fille (pas garçon manqué), paysanne et bergère d’à peine 17 ans, n’a rien de naturel ou d’humain mais est sans aucun doute surnaturel ou l’œuvre extraordinaire du St Esprit qui depuis son enfance possède cette âme car elle a toujours docilement correspondu à ses moindres inspirations. Pour preuve que cette parole ne fut nullement celle en l’air d’une fausse illuminée mais une véritable prophétie, c'est qu'elle se réalisera à la lettre !

Peut-on appliquer à notre situation présente ces paroles inspirées ? Elles semblent, en effet, une nouvelle fois, d’actualité dans notre histoire nationale avec ces fameux « migrants » qui, en grand nombre et par hordes, envahissent l’Europe, de façon générale, et la France, en particulier.

La raison immédiate de la mission de Jeanne fut l’invasion illégitime aux yeux de Dieu de la France, même si pas aux yeux de légistes et casuistes retors, par un roi étranger et son armée afin de faire passer notre pays sous sa couronne. Et sa fin fut donc de les renvoyer chez eux car, comme elle le leur dit aussi sous les murs d’Orléans, la veille de la reprise de la ville: «si vous tenez à retourner vivants en Angleterre, ne continuez pas à faire fi des ordres du Ciel qui veut les rois chacun chez soi!».

Chaque roi, ou chaque peuple représenté par lui, doit donc se contenter du territoire que la Providence lui a assigné, comme chacun doit se contenter des biens qu’il possède légitimement et ne pas prendre de force ou voler ceux qui appartiennent au voisin sauf, enseigne la morale, quand il manque du strict nécessaire pour survivre et que ce strict nécessaire lui est refusé par qui peut lui en faire l’aumône et en a alors le devoir. Cet état de nécessité n’était évidemment pas le cas du roi ou du peuple anglais de l’époque de Jeanne, même s’il était peut être moins bien pourvu, moins riche que le roi ou le peuple français. Eut-il été pauvre, ce qu’il faut distinguer de l’état de misère qui est le manque du nécessaire, que cela n’aurait pas justifié le vol, la violence ou la razzia comme moyens de s’enrichir. Les légitimes sont avant tout le travail ; puis l’acquisition contractuelle en bonne et due forme de nouveaux biens quand on en a les moyens. Tels sont les bons principes que l’Eglise a mission de rappeler, notamment aux gouvernants!...

Pour résoudre, de ce point de vue, la question d’actualité, il est clair que les populations « migrantes » ont investi des territoires de notre pays qui ne leur appartiennent pas, même si avec le consentement de leur propriétaire qu’est a priori l’Etat. Mais il représente le peuple français qui l’a acquis à la sueur de son front ou par ses impôts ; et l’a souvent défendu au prix de son sang. Or dans son ensemble ou dans sa partie saine d’esprit, il ne semble pas consentir à le leur céder au moins gracieusement (surtout pour la raison développée ci-dessous en 2ème partie).

Par contre, il est également clair que ces populations étant de fait présentes et dans le dénuement, on a le devoir de leur venir en aide comme le samaritain de l’Evangile. Mais leur présence et leur misère actuelles ne constituent aucunement un droit pour l’avenir à rester chez nous, du moins en droit romain sinon en droit musulman... Reste donc à établir si leur migration ne fut vraiment motivée que par l’état de nécessité (cf. la raison développée ci-dessous en 2ème partie) ou si l’état de guerre les obligeait réellement à quitter leur pays (cf. exodes en France de 1914 et 1940, pour ne parler que des plus récents, qui n’eurent lieu que dans les limites du territoire national).

Dans la négative, les mesures devraient être décidées sans délai pour leur rapatriement.

Dans l’affirmative, combien de temps leur présence sera-t-elle encore légitime ou à partir de quand devront elles retourner chez elles en ayant le minimum convenable pour y vivre?

Les réponses concrètes et appropriées à ces deux hypothèses n’appartiennent qu’à ceux qui ont autorité afin de bien juger, ayant pour cela la connaissance de tous les tenants et aboutissants, à savoir les gouvernants. Malgré tous les soupçons mauvais et fondés qu’on peut nourrir à leur égard, prenons néanmoins garde à ne pas porter des jugements de façon hâtive, sommaire, simpliste, sans sérénité ou sous le coup de la colère, téméraire en un mot!

Par contre, nous aurions raison de relever une différence de poids entre la situation présente et celle du début du XVème que nous prenions comme référence. Si les étendards des deux princes en présence, Henri VI et Charles VII, étaient adversaires, leur bannière (religieuse) était, en revanche, la même, celle de la seule religion catholique. Aujourd’hui, non seulement les étendards sont opposés mais aussi et surtout les bannières: christianisme contre islam ! La réalité présente diffère donc d’alors et est, en vérité, beaucoup plus grave car ce ne sont pas seulement et somme toute que des biens matériels qui sont menacés mais aussi et surtout la foi elle-même, tout notre héritage spirituel ; et d’autant plus que l’on connaît bien l’esprit violemment conquérant, très intolérant du mahométisme envers les autres religions et tout spécialement envers le christianisme ; et, qui plus est, son incapacité non seulement à séparer (qui, elle et elle seule, n'a rien de mal en soi) mais même à distinguer réellement le temporel du spirituel.

De ce point de vue, Ste J. d’Arc n’est alors plus une référence suffisante ou adéquate. Il faut se reporter près de deux siècles plus tard lorsque deux religions se firent physiquement la guerre sur notre territoire national pendant de longues années, avec beaucoup de cruautés, propres aux guerres civiles, qui plus est religieuses, et des dommages matériels, et plus encore spirituels, considérables, à commencer par l’ignorance religieuse au moins dans les populations les plus pauvres et les plus exposées des campagnes dont plusieurs générations ne reçurent plus d’instruction religieuse (cf. vie et fondations de St V. de Paul, par ex.), entre autres, à cause de cet état de guerre. Le roi de France lui-même, Henri IV, avait été un protestant militant avant de revenir au catholicisme. Mais, une fois le silence des armes revenu, il promulgua le fameux Edit de Nantes, chef d’œuvre de tolérance catholique et non libérale car il ne met pas une fausse religion sur un pied d’égalité avec la seule vraie. Tout en ne reconnaissant que le catholicisme comme seule religion officielle, il accorde une certaine liberté, limitée et restreinte, au culte protestant. Celui ci ne concernait pourtant qu’une partie infime de la population, en général, mais davantage au niveau de la haute société ou des puissants, capables d’inquiéter la couronne, comme ils venaient de le montrer. La prudence et la sagesse commandaient donc une telle attitude politique, nullement condamnée par l’Eglise, pour le plus grand bien des âmes, pour éviter la reprise de la guerre. Celle-ci est, à la vérité, l’un des pires dommages pour elles, plus encore que pour les corps et les biens matériels.

Or sans même parler des « migrants » actuels, il y a désormais en France une partie importante de sa population (30% de ses naissances actuelles !), établie depuis au moins deux générations, qui est musulmane. Quelle doit être la politique à leur égard?

Plutôt que devrait-elle être ? Certainement pas celle, qui a cours, de la fausse tolérance libérale qui, au nom de la sacro-sainte liberté religieuse, donne en principe à l’islam autant de droits qu’au catholicisme ; et probablement plus dans les faits à cause de l’anticatholicisme viscéral, appelé « laïcité », des élites depuis au moins 150 ans!

Doit elle être, à l’extrême opposé, celle d’un Charles Martel, semblable en cela à celle de Ste J. d’Arc disant à Henri VI : « si vos gens ne veulent obéir, je les ferai tous occire » ? Toute guerre, comme la peine de mort, est une décision gravissime qui, d’abord, ne peut être légitimement prise que par le gouvernement d’un pays et qui, ensuite, ne doit l’être que quand on a épuisé tous les autres moyens afin de préserver la partie essentielle du bien commun qu’est la paix, pour les raisons déjà sommairement données ci-dessus; et en tenant compte de toutes les circonstances, notamment de celles très différentes entre notre époque et le VIIIème siècle comme, par ex., le fait qu’en ces temps lointains le danger venait d’envahisseurs vraiment constitués en armées, bien moins nombreux et non établis dans le pays donc bien plus faciles à vaincre et à éradiquer ; et que, désormais, déclencher une guerre, c’est risquer des dommages collatéraux immenses sur les populations civiles, prises en otages, en raison de la puissance effrayante des armements accessibles presque au tout venant (même les nucléaires).

Reste donc à envisager la solution de la tolérance non libérale semblable à l’Edit de Nantes. Mais elle suppose un gouvernement assez fort, militairement et surtout moralement, pour la faire respecter aussi bien par les autochtones de culture chrétienne que par les éléments hétérogènes de culture musulmane...

Nous laissons cependant la question ouverte car, encore une fois, il ne nous appartient pas de trancher mais seulement aux gouvernants, eux seuls ayant reçu de Dieu l’autorité légitime et la grâce d’état pour cela avec tous les moyens, dont ils disposent, eux seuls aussi, d’analyser de la manière la plus exacte possible toutes les circonstances du moment.

Mais il est malheureusement clair que nous manquons cruellement, de nos jours, de gouvernants, au pouvoir ou susceptibles d’y parvenir, ayant les qualités requises pour appliquer cette vraie tolérance, voire pour recourir à la force, avec toute la sagesse et tout le courage que l’une et l’autre solutions exigent... Il faut donc vraiment bien prier notre sainte patronne nationale pour que Dieu en suscite. Et cela semble urgent!

Cela vaut aussi, d'ailleurs, pour l’Église envahie de nos jours par des doctrines étrangères et infiltrée par des âmes corrompues qui ruinent sa foi et sa discipline. Or, pour venir à son secours ou à celui de sa tête, le Ciel utilisa également dans les siècles passés des instruments bien humbles et surprenants comme, par exemple, la très modeste aussi Ste Catherine de Sienne dont l'intervention, sans aucun doute inspirée, poussa les papes, longtemps réfugiés en Avignon mais passés sous la coupe d'une puissance étrangère, à rentrer à Rome, leur siège spirituel à perpétuité et la capitale temporelle, alors, de leurs Etats. Pour que le souverain pontife d'aujourd'hui ramène la Barque de Pierre à bon port ou dans son orthodoxie, la Rome de toujours, que notre Jeanne nationale daigne joindre ses prières à celles de sa semblable, patronne de l'Italie, et aux nôtres!

mardi 3 mai 2016

N’est pas Rivarol qui veut

Monsieur le Rédacteur en chef de « Rivarol » ne décolère pas après ceux qui ont osé s’en prendre à lui comme il s’en prend à autrui à longueur de colonnes. Il est surprenant que, quand on passe le plus clair de son temps à répandre son fiel, on puisse encore s’étonner de récolter ce qui n’est somme toute qu’un peu de celui-ci en retour : ne récolte-t-on pas ce qu’on sème ? 

Quand on en arrive à ce que cela vienne autant de ce qui paraît a priori être son camp (un forum qui se dit quand même catholique) que de l’ennemi (les anticatholiques affichés et enragés de « Canal + », par exemple), la raison voudrait qu’on s’interroge, qu’on fasse un examen de conscience plutôt que de persévérer comme un insensé : « perseverare etc. ». A défaut de cela, qu’au moins notre nouveau « Monsieur de Rivarol » se demande s’il est fidèle à l’image du premier porteur du nom (1753-1800) !

La pensée de celui-ci n’a rien d’étroit ou de partisan car, bien qu’attaché de cœur à l’Ancien Régime, il est intellectuellement plutôt du côté des Lumières, de la liberté politique plutôt que de l’autoritarisme monarchique. 

Son style est encore, à n’en pas douter, celui du Grand Siècle dont il s’est nourri comme un E. Rostand dans son Cyrano; et dont il s’est repu de façon insatiable autant par la littérature que par la fréquentation d’une haute société parisienne qui, juste avant la Révolution, le perpétuait encore. Il est donc celui d’une intelligence vive et pétulante, aisément taquine ou percutante mais avec un bel esprit de finesse, voire d’humour, qui ne se départit jamais totalement de respect ni même de bonté. 

Il n’a donc rien de l’illuminé ou de l’idéologue qui ne respecte rien et qui est prêt à tout briser pour imposer à la terre entière ses petites vues humaines. Rien ne lui est plus insupportable. Voila pourquoi il s’est farouchement opposé, comme l’on sait, aux révolutionnaires de 1789 : à leur absence d’art de vivre plus qu’à leurs pensées profondes!

Quoi de commun, alors, avec le « Rivarol » d’aujourd’hui ? 

Quant à sa pensée, bien qu’il s’en défende en s’empêtrant dans ses contradictions, évidentes sont ses sympathies pour une Europe national-socialiste fondée avant tout ou essentiellement sur une philosophie néo païenne formellement condamnée, en son temps, par l’Eglise (philosophie accessoirement seulement antimaçonnique, anticommuniste etc.). Ce qui est déjà pour le moins surprenant de la part d’un catholique pour qui la fin ne justifie normalement pas les moyens. Mais c’est surtout par le caractère tyrannique très prononcé de ce régime qu’il est en opposition flagrante avec notre bon Monsieur de Rivarol.

De même, comment imaginer que celui qui s’est opposé, au péril de sa vie [1], à la barbarie révolutionnaire se serait risqué à minimiser la culpabilité d’un régime capable de massacrer atrocement dans des camps de concentration ne serait ce que quelques milliers, voire même que quelques centaines, de victimes (juives [2] mais pas seulement, loin s’en faut). Serait ce moins barbare que d’en avoir torturé et tué plusieurs millions ? Et quant au nationalisme soi disant exemplaire de ce même gouvernement, il l’aurait tout autant exécré quand on sait par quels moyens furent annexées les régions considérées par lui devoir faire partir de ce nouvel empire germanique. 

Quant au style, il suffit de relever le comportement très choquant du successeur d’Antoine de Rivarol envers, entre autres, les autorités de F.S.S.P.X bien que paraissant un farouche défenseur de la Tradition catholique ; sans parler de celui envers le pape lui-même dont les égarements graves, il est vrai, ne peuvent justifier un tel irrespect digne des pires ennemis de l’Eglise. Hitler - oui, jetez le masque, Monsieur ! - tout catholique qu’il fut de naissance, a-t-il agi autrement avec la hiérarchie de son temps ? Or « un royaume divisé contre lui-même peut il subsister ? » [3], répondait pertinemment Jésus à ceux qui l’accusaient de chasser les démons au nom de l’un d’entre eux. Donc de deux choses l’une : ou l’on est pour le bien de l’Eglise et de sa Tradition et on n’agit pas publiquement de la sorte ; ou l’on ne l’est pas vraiment et tout s’explique...

En polémiquant, Monsieur de Rivarol était sans merci contre la brutalité des nouveaux tyrans de la fin du XVIIIème mais visait juste et avait la manière.

Son prétendu « alter ego » n’en a ni la justesse de vue, ni la façon ; avec, en plus, l’assurance d’un prophète, qu’il n’est bien sûr pas, donc une immodestie fort déplaisante. 

N’est pas Rivarol qui veut !

B.Y.
[1] a dû fuir la France en 1792 jusqu’à sa mort

[2] bien que déicides, les juifs ont toujours été tolérés par l’Eglise et même protégés par elle contre leurs persécuteurs, étant fidèle en cela à la pensée de St Thomas d’Aquin (II II, 10, 11, par ex.)

[3] parole que feraient aussi bien de méditer certains clercs de ladite Fraternité qui, dès qu’ils ont une once de pouvoir, en abusent pour non seulement juger urbi et orbi et sans égards le pape, les évêques etc. mais même pour afficher leurs désaccords avec leur propre supérieur général. « Le linge sale se lave en famille », dit pourtant le bon sens populaire !

vendredi 18 mars 2016

Léon XIII, St Thomas et Maurras

Suite à notre article Le pape Léon XIII et « la plus grande des nations », il est bien naturel que nous répondions à la nouvelle attaque contre ce pape qui vient de paraître dans un périodique pourtant plutôt catholique et non progressiste, comme, semble t il, dans un nouveau livre sur la question du « Ralliement » dont il est fait la recension mais nullement la critique. Sous la plume cléricale de son rédacteur en chef, l’article s’intitule Aux origines de la crise de l’Eglise,, ce qui donne d’emblée la tendance.

Le pape, élu en 1876, est accusé de ne pas avoir tenu compte du contexte, alors, très favorable à une nouvelle restauration de la monarchie en France, en ayant voulu, dès cette date, dit on, « le ralliement massif des catholiques français à la République ». A supposer que cela soit avéré, il l’est également qu’en fait il ne leur demandera de se soumettre (jamais le pape n’a utilisé l’expression très tendancieuse de « ralliement à la République » que l’on doit aux catholiques qui ont voulu justifier leur désobéissance en le discréditant) au gouvernement en place qu’en 1892 (encyclique « Au milieu des sollicitudes ») ; ce qui prouve donc qu’il a agi sans précipitation mais au contraire après enquête approfondie et mûre réflexion. Comme nous l’avons déjà montré, il n’a cependant pas probablement pris la juste mesure du degré de haine du catholicisme chez ces gouvernants, par excès de bonté, lui. Or, à cette dernière date, les circonstances étaient notablement différentes de la première car la IIIème république était désormais bien établie. De plus, le comte de Chambord, l’aîné des prétendants au trône de France conformément à la loi salique, qui avait été, en effet, plébiscité par une majorité de députés, juste après la chute du Second Empire (1870), avait, en réalité, depuis cette même époque, renoncé à régner pour une raison déterminante, inconnue de la plupart mais très vraisemblablement pas du pape, qui est à elle seule toute une histoire dans l’histoire... Enfin, on était de nouveau dans une crise ouverte de persécutions contre la suprématie de l’Eglise dans la société civile à laquelle il convenait sans doute de ne pas ajouter des motifs de tension entre les deux protagonistes.

On lui fait surtout, au fond, le grief d’être un pape démocrate, d’avoir une prétendue inclination vers le régime démocratique, manifestement honni par notre auteur car, en tant que tel, nécessairement porteur, selon ce dernier, d’une législation antichrétienne. Alors que ce pape ne fait qu’être fidèle à la doctrine on ne plus catholique au travers de la pensée de son docteur commun, Saint Thomas d’Aquin, qui reconnaît aussi bien la démocratie que la monarchie comme régimes politiques bons en eux-mêmes que des catholiques peuvent donc légitimement soutenir, étant donné que tout Etat, à la différence de l’Eglise et d’elle seule, peut changer de régime politique. Ce n’est donc pas la république en tant que telle qui est coupable d’attaquer l’Eglise mais certains sectaires bien connus qui s’en sont rendu les maîtres à leurs fins partisanes (sinon il faudrait dire aussi que l’Eglise catholique est mauvaise car en son nom, les modernistes qui y ont pris tous les pouvoirs, font tout le mal que l’on sait!).

Fort de cette confusion, on ne craint pas de mettre ce « démocratisme » soi disant papal sur le même plan que le modernisme ; et d’en faire le péché originel de la crise présente dans l’Eglise. Rien que cela ! Quel crime invraisemblable chez ce pape si orthodoxe, auteur d’encycliques magistrales contre la franc-maçonnerie et le libéralisme, entre autres! Ce n’est pas parce que de soi disant catholiques d’aujourd’hui veulent changer le gouvernement de l’Eglise de monarchie en démocratie, ce à quoi Léon XIII était certainement à mille lieux de penser, qu’il existe en soi un lien nécessaire entre accepter la démocratie pour un Etat et ce « démocratisme spirituel ». Et le modernisme, qu’en tant que thomiste convaincu ce pape réprouvait sans aucun doute totalement, est infiniment plus que lui la cause majeure de la crise présente. On est en plein délire, en pures vues de l’esprit, comme avec ce rêve du pape tout autant invraisemblable de pouvoir compter sur ce gouvernement français et républicain, qui en 1892 combat ouvertement l’Eglise, pour reconstituer les Etats pontificaux (comme s’il pouvait avoir oublié les déconvenues de Pie IX avec le Second Empire)!

N’est ce pas, en fait, par esprit partisan et maurrassien que ce grand pape est condamné si injustement, que son orthodoxie est gravement mise en cause pour une question nullement de foi (les divers régimes politiques possibles), que de se permettre de juger ainsi de haut ce successeur de Pierre? Qui plus est, un bon siècle après l’évènement, avec la connaissance très approximative qu’on peut avoir des circonstances que lui connaissait, à l’évidence, de façon beaucoup plus complète et précise.

Peut être n’est il pas inutile de préciser que, si Maurras eut quelques mérites dans le combat contre le progressisme, en général, et, dans une certaine mesure, dans la défense de l’action bénéfique de l’Eglise, il était en philosophie bien plus disciple d’un Auguste Comte que de l’Aquinate (et, ceci pouvant expliquer cela, n’avait pas la foi).

Avec ce dernier, notre maître à nous, nous n’avons bien sûr rien contre le régime monarchique en soi, à l’opposé des progressistes ; mais nous n’avons aussi rien contre le régime démocratique en soi ; étant entendu que chacun de ces régimes a ses propres avantages et inconvénients, ce pourquoi l’Ange de l’Ecole leur préférait, d’ailleurs, un régime mixte dans lequel les avantages des deux s’ajoutent mais les défauts se neutralisent. A bon entendeur salut!

Bertrand Y., le 18 mars 2016

dimanche 28 février 2016

Le « libéral catholique » et le « catholique intégriste »

Une attitude défectueuse provoque quasi inévitablement, par réaction, son opposée par excès. Ainsi en est-il du «libéral catholique » et du « catholique intégriste ». 

Ceux, qui se dénommèrent eux-mêmes « libéraux catholiques », sont, au départ, ces catholiques qui, dès le lendemain de la Révolution sanglante ou comme pris de panique, se sont empressés de manifester leur sympathie pour les idées à la mode, les « libertés » modernes dans l'esprit de 1789, et qui provoquèrent la réaction et les condamnations vigoureuses et répétées du Saint-Siège: Grégoire XVI dans « Mirari vos », du 15 août 1832, contre les thèses de F. de La Mennais ; Pie IX dans « Quanta Cura » et le fameux « Syllabus », du 8 décembre 1864, contre la thèse du « droit commun » ou des propositions comme « l'Eglise doit être séparée de l'Etat et l'Etat séparé de l’Eglise », « à notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion d'Etat, à l'exclusion de tous les autres cultes », « il est faux que la liberté civile de tous les cultes et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des moeurs et de l'esprit; et propagent la peste de l'indifférentisme » etc. ; Léon XIII dans « Humanum genus », en 1884, contre la Franc-maçonnerie et dans « Libertas », du 20 juin 1888, contre les libertés modernes.

Cela n’a pas malheureusement pas calmé ces « libéraux catholiques » dont les disciples ont même, un siècle après, à la faveur de Vatican II, réussi à prendre tous les pouvoirs dans l’Eglise! 

Leur caractéristique est qu’ils vivent dans un état d'incohérence mentale. En effet, ils prétendent avoir des principes - la foi catholique - mais en pratique n'en ont pas vraiment puisqu'ils les remettent en question au contact de circonstances qui leur sont hostiles comme depuis la Révolution. Cette contradiction interne en fait des êtres tourmentés [i] car tiraillés par, d’un côté, la voix des principes ou de leur conscience encore quelque peu catholique et, de l’autre côté, leur faiblesse et leur laxisme pratiques qui les entraînent à les ignorer [ii] et deviennent une habitude de conduite [iii] puis de pensée. 

En réalité, ils semblent ne plus avoir qu’un seul principe, si on peut dire car il sonne plutôt comme les slogans creux des agitateurs révolutionnaires, sans signification réelle ou pour le moins confus: « il faut être de son temps » ou « ouverture au monde » présent. Jésus a certes dit : « vous êtes dans le monde » ; mais aussi : « vous n’êtes pas du monde ». Or n’est ce pas être « du monde » que d’épouser son esprit qui pourtant, surtout depuis le XVIIIème siècle, flatte beaucoup trop le penchant fondamental ou originel de la nature humaine qui n’est malheureusement ni bon, ni noble, loin s’en faut, et quasi irrésistible: l’engouement pour la « liberté » (plutôt la licence), c.à.d. pour l'esprit d’indépendance, d'autonomie, d'affranchissement, d'émancipation de l'homme par rapport à toute autorité même divine (ou de l’Etat par rapport à l’Eglise), l'affirmation insolente des droits de l'homme contre ceux primordiaux de Dieu ?

L’attitude à l’extrême opposé ou « catholique intégriste » a été bien montrée, lors de la crise de 1892 en France, celle du fameux « ralliement » sous et contre Léon XIII, par un observateur des plus autorisés et qualifiés :

« M. Piou (catholique simplement romain ou « ultramontain » ; donc, à l’époque, ni gallican, ni libéral) et ses amis formèrent à la Chambre un groupe de députés qui prit le nom de « droite constitutionnelle »; quelqu'un leur donna le nom de « ralliés » et on désigna ensuite sous ce nom tous ceux qui adoptèrent la politique du St Siège (…) Mais il fut âprement combattu par les monarchistes et spécialement par le comte d'Haussonville dans son discours de Nîmes (…) La lutte soutenue pendant quinze ans par le parti catholique (monarchistes etc.) pour la défense des libertés religieuses avait été presque entièrement stérile parce qu'elle était en même temps dirigée contre la forme de gouvernement. Le groupe de M. Piou, parce qu'il s'appuyait sur les indications et les directions du St Siège, se maintint malgré les attaques et exerça une grande influence tant à la Chambre que sur le terrain électoral (…) (Mais) les calomnies les plus acerbes, les sarcasmes, les injures plurent sur la « droite constitutionnelle ». Ses membres furent appelés des hypocrites, des traîtres, des infidèles, des lâches, des sépulcres blanchis capables de trahir la république comme ils avaient trahi la monarchie (…) L'adhésion de M. Piou et de ses amis à la république aurait été une vraie capitulation sur les principes religieux, une acceptation non seulement de la forme républicaine mais encore de la législation hostile à l'Eglise. P. de Cassagnac dans « l'Autorité » fit pendant plusieurs années le métier de dénigrement à jet continu, prétendant donner des leçons à tous, au pape, au secrétaire d'Etat, au nonce et aux évêques, s'arrogeant modestement le rôle de vrai et héroïque défenseur de la religion catholique (…) Il scinda l'encyclique n'acceptant que ce qui lui convenait et omettant tout le reste (…) Malheureusement beaucoup d'autres monarchistes suivirent son pernicieux exemple. La fureur radicale et l’exaspération monarchique se coalisèrent de nouveau contre les directions pontificales: au fond, l'encyclique rencontrait les mêmes adversaires qu’avait rencontré le toast du Cardinal Lavigerie » [iv]. 

Porter un jugement de fond sur cette question du « ralliement », encore très sensible en France, n’est pas l’objet de cet article [v]; mais juger la façon de réagir des « intégristes », à supposer même que le pape ait commis là une faute majeure. La caractéristique de « l'intégriste » est donc, comme on le voit ci-dessus, exactement à l’opposé de la grande faiblesse du libéral sur les principes : il est ferme [vi] mais avec des manières très excessives et par conséquent non moins nuisibles au bien commun (comme à son âme...). Car il est incapable de tolérer (au sens catholique et non libéral du terme) ou de souffrir que la réalité soit contraire à l’idéal à atteindre. Il se cabre, il se révolte par impatience contre la première et voudrait de force ou par violence (et par faiblesse...) la rendre conforme au second [vii]. Il applique de façon raide ou rigoriste les principes ; il confond le domaine de la contingence, qu’est le concret, et celui du nécessaire qu’est le théorique ou le spéculatif. Il ne distingue plus la remise en cause des principes eux mêmes et leur application plus ou moins limitée par les circonstances concrètes et continuellement changeantes qui y font souvent obstacle. Il a une interprétation tellement rigide de « vous n’êtes pas du monde » qu'il n'est pour ainsi dire plus « dans le monde » mais dans « son » monde! De même du « proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, menace » [viii] dont il oublie la suite: « toujours avec patience »... ; et dont il fait une façon de parler ou d’agir sans discernement, sans tenir compte ou trop peu des circonstances. 

A l'ouverture au monde obsessionnelle du libéral, il oppose un rejet total ou non moins déséquilibré du monde présent qu’il confond avec la haine légitime du péché. Il dénigre cette juste ouverture d'esprit, effet de l'humilité, qui consiste à savoir honnêtement reconnaître ce qu'il y a de bien, voire de mieux, chez autrui, fût-il notre adversaire, que chez soi; en ne voyant donc que du mal. Ainsi borné et orgueilleusement renfermé sur sa manière à lui de voir le réel, si on peut dire..., il est incapable de prendre vraiment conseil, comme le veulent les vertus de prudence et d'humilité, sinon qu'auprès de ceux qu'il sait d'avance penser exactement comme lui... Il ne peut donc prendre les décisions pratiques vraiment sages, éclairées ou équilibrées, même dans un sens favorable à ses propres principes.

Il veut tout et tout de suite dans l’application sociale, comme dans la profession personnelle, de la foi [ix]; ou rien. Il tombe ainsi dans la fameuse « politique du pire »[x], signe de faiblesse, de désespoir ou suicidaire, qui, face à la « politique du moindre mal » du libéral, n’est qu’une autre de ses réactions excessives. Cette dernière politique est, certes, pusillanime et inacceptable car on ne peut jamais vouloir le mal aussi léger soit il ; mais il est incapable d'envisager la seule vraie politique, la « politique du possible » qui, sans renier du tout les principes, tient compte avec soin, prudence et vrai courage de chacune et de toutes les circonstances [xi]; qui est la politique vraiment réaliste. Son côté paradoxal et cocasse est que lui, qui se réclame, en général, à cor et à cri de la philosophie réaliste (aristotélico-thomiste), se comporte de fait en idéaliste pur et dur; alors qu'à l'inverse, celui qui se range philosophiquement plutôt dans le camp moderne, idéaliste ou utopiste, pèche finalement par cet excès de réalisme qu’est le pessimisme (en se décourageant d’emblée face à l’adversité)! 

Un autre paradoxe est que celui qui tient tant au triomphe immédiat, voire violent, de ses principes ou de sa foi dans la sphère de la vie publique comme dans celle de sa vie privée, obtient l'effet exactement inverse car, par son faux zèle apostolique ou par son zèle amer, il agit comme un épouvantail [xii] et provoque une réaction opposée, comme le montre l'histoire où l'on ne voit pas qu'un tel état d'esprit ait jamais contribué au progrès des bonnes causes ainsi défendues, au contraire (cf. ci-dessus). 

La vertu morale est un juste et difficile milieu car elle consiste à se maintenir sur un sommet ou sur une ligne de crête d'où l'on peut glisser soit dans un défaut, soit dans un excès.

Le défaut est ici la lâche présomption du libéral qui ne cherche même plus à éloigner ou à combattre autant que possible le mal, dans la vie publique comme dans la vie privée. Car il est au fond pusillanime, il baisse vite les bras donc s’en arrange facilement et finalement ne le considère même plus comme tel mais comme un bien ! 

L’excès opposé est la crainte de l'intégriste face au mal avec la fébrilité qui est toujours à l’affût de l’actualité – on branché sur internet... - à laquelle il prend l’habitude de réagir sans le recul nécessaire donc de façon superficielle, émotionnelle, irrationnelle et inefficace ; mais aussi avec aigreur, discourtoisie, dureté (à ne pas confondre avec la fermeté) et, en un mot, avec manque de charité; ce qui en définitive ressemble fort à la pusillanimité du libéral et explique qu’on puisse voir sans trop de problème passer d’un extrême à l’autre... Car, au fond, l’un et l’autre manquent de foi ou de confiance en J.-C. qui a dit que Dieu « ne permet jamais qu'on soit tenté au delà de nos forces »; qu’à tout instant, quelles que soient les circonstances indépendantes de notre volonté, Il veille autant sur chacun en particulier, comme s'il était unique au monde ou la prunelle de ses yeux, que sur l'ensemble de tout l'univers; donc qu’Il proportionne ses secours à la difficulté permise par Lui et tant qu'Il la permet.

L’attitude vertueuse et surnaturelle - les précédentes ne sont que trop naturelles et humaines ! - , la ligne de crête est donc, en l'occurrence, la juste, douce et paisible [xiii] confiance à avoir envers la Providence, en la suivant pas à pas, sans la précéder ou sans impatience, grâce à ses indications que sont toutes les circonstances indépendantes de nos volontés mais voulues ou permises par Elle afin de nous exercer justement à la patience, la vertu maîtresse des forts, hors de laquelle il n’y a pas de salut, aucune vraie réussite au temporel comme au spirituel, comme aucune vraie charité!

Bertrand Y.
[i] cf. « Libéralisme et catholicisme », Abbé A. Roussel, 1926

[ii] à bien distinguer de la fragilité de tout homme pécheur qui l’entraîne à ne pas toujours agir en accord avec ses propres principes mais sans y avoir renoncé. 

[iii] nier par ses actes un seul principe de la foi ou de la morale catholiques revient à ne plus être catholique car tout homme agit naturellement ou doit agir en conformité avec ses convictions intimes. Le catholique doit donc professer ses convictions intimes de foi, éventuellement jusqu'au péril pour sa vie, sous peine de perdre ou de renier la foi catholique. Ainsi semble t il plus juste de parler de « libéral catholique » que de « catholique libéral » puisque libéral « substantiellement » (philosophiquement et analogiquement parlant); et catholique par « accident » (de même).

[iv] Cal Ferrata, nonce à Paris

[v] cf. notre autre article « Le pape Léon XIII et « la plus grande des nations »»

[vi] à l’inverse, il semble plus juste de parler de « catholique intégriste » que d’ « intégrsite catholique » puisque catholique « substantiellement », la foi étant le fondement et la substance de l’identité catholique ; et intégriste par « accident » (ce qui peut néanmoins être aussi par habitude).

[vii] peut donc user concrètement des mêmes moyens que ceux qu'il condamne en théorie chez les révolutionnaires

[viii] Ep. à Timothée, 2, 4

[ix] alors que l'histoire montre au contraire que le bien – à commencer par sa propre sanctification - s'accomplit toujours de façon progressive, lente, non violente ou sans bruit, à moins de miracles par définition exceptionnels (le déluge, par ex.) sur lesquels il ne faut donc a priori pas compter; ce qui n'empêche pas de les demander parfois dans la prière.

[x] le mot « intégrisme » serait apparu en Espagne, au XIX, lors de l’opposirion entre les « carlistes » (monarchistes d'Ancien Régime et « intégristes ») et les « alphonsistes » (monarchie constitutionnelle au pouvoir). A la politique « du moindre mal » de ces derniers, les premiers opposèrent la politique « du pire » : refuser de soutenir électoralement le parti au pouvoir (somme toute légitime en soi) contre le péril révolutionnaire en espérant ainsi une réaction salvatrice en leur faveur, cad en prenant sciemment le risque d'une guerre civile (la fin ne justifie pas le moyen!). D’où l’accepttion péjorative qu’aurait prise le mot chez les esprits cultivés puis dans l’inconscient collectif « formaté » par eux.

[xi] et compte tenu du principe moral dit du « volontaire indirect »

[xii] qui peut malheureusement justifier l'amalgame avec certains fanatiques musulmans, qualifiés « d'intégristes » 

[xiii] « Je vous laisse la paix; Je vous donne ma paix. Ce n'est pas comme le monde la donne que je vous la donne. Que votre coeur ne se trouble pas, ne s'effraie pas ! », St Jean, 14, 23

samedi 20 février 2016

Le pape Léon XIII et « la plus grande des nations »

En 1892, ce pape recommanda aux Français la soumission au régime républicain restauré en 1871, sous le nom de IIIème République, à la chute du Second Empire ; d’où est née la fameuse querelle du « ralliement » entre les catholiques qui suivirent la recommandation papale et leurs adversaires qui lancèrent cette accusation. Accusation infamante au moins dans la forme mais caractéristique, comme nous l’avons montré [i], de l’attitude habituellement excessive des « intégristes » [ii]. Pour tenter de juger sur le fond et sereinement cette question nous allons nous efforcer de suivre l’avis très sage et très équilibré de Mgr Marcel Lefebvre : « il est certain que les papes Léon XIII et Pie XI avaient la hantise des relations avec des gouvernements de fait, même s’ils étaient maçonniques et révolutionnaires. Cela n’a pas atteint leur doctrine mais était une certaine expression de tolérance, surtout chez Léon XIII. Cependant ils ont donné par leurs actions l’exemple d’une illusion grave sur leurs interlocuteurs » [iii].

La doctrine ou l’orthodoxie du pape est irréprochable, nous affirme le grand évêque, car, en l’occurrence, bien qu’à titre personnel, ne serait ce que par ses origines nobles, on puisse penser qu’il avait probablement plus d’inclination naturelle pour le régime monarchique, il est néanmoins le parfait porte-parole de la pensée de l’Eglise qui, notamment dans les écrits de St Thomas d’Aquin, si hautement et chaleureusement recommandés par lui-même qui les remit à l’honneur dans les séminaires, reconnait la république comme l’un des régimes bons en soi. Et l’on ne peut absolument pas le soupçonner de la moindre sympathie pour les graves erreurs du libéralisme philosophique [iv] qui est devenue la doctrine à la base de tous les régimes, monarchies comprises, depuis la Révolution. Et cette accusation est d’autant plus injuste qu’il avait, peu avant, renouvelé pour les catholiques italiens le « non expedit » [v] face à l’usurpation par les révolutionnaires italiens du pouvoir temporel et légitime des papes sur les Etats pontificaux.

Mais une telle décision s’imposait certainement à ses yeux pour la France parce que la république, en tant que régime, y était désormais établie ou acceptée de façon à peu près paisible par une majorité de citoyens; et parce qu’en attendant mieux [vi], la paix sociale ou l’absence de guerre civile fait partie en premier lieu du bien commun.

De même, pour la défense du sacro-saint principe d’autorité contre son contraire qu’est l’esprit de révolte ou révolutionnaire. Car aucune société ne peut exister ou subsister sans ce premier fondement naturel qu’est une autorité suprême que l’ensemble de ses membres respecte en s’y soumettant pour tout ce qui n’est pas formellement contraire à la loi divine, cette autorité fût-elle loin d’être parfaite. Il le fit comme son prédécesseur, Grégoire XVI, qui, en 1832, condamnait les catholiques polonais se révoltant contre le pouvoir impérial russe et qui ne manifestait bien sûr pas ainsi sa préférence pour le tsar schismatique!

Ceci n’est il pas dans la droite ligne de la parole divine qu’est notamment, dans les Stes Ecritures, l’enseignement du grand Apôtre Paul recommandant aux esclaves chrétiens de demeurer soumis à leurs maîtres même païens ? Car il y a plus de mérite surnaturel, dit-il, à supporter patiemment et sans violence (externe et interne) des maîtres difficiles que des maîtres faciles ou parfaits.

Si la question de la possibilité du régicide a été débattue par les théologiens dans les siècles passés mais jamais résolue, tranchée ou approuvée de façon définitive par l‘autorité suprême de l‘Eglise, c’est sans doute en raison de l’importance capitale à défendre ou à sauvegarder ce principe fondamental ; donc en raison du grand danger corrélatif à sembler favoriser la révolte des sujets contre l’autorité; ou parce que c'est bon sens élémentaire, de la part d’une autorité, que de ne pas scier la branche sur laquelle elle est assise !

L’un des cardinaux du pontificat de Léon XIII, le fameux évêque de Poitiers, Mgr Pie qu’on ne peut soupçonner de servilité envers le pouvoir temporel, aurait-il été choisi comme prince de l’Eglise [vii] s’il n’y avait pas eu identité de vues [viii] entre eux sur un point aussi important, aux yeux du souverain pontife, que les bonnes relations autant que possible entre l’Eglise et les Etats [ix]? Or voici ce qu'il écrivait au moment de la naissance du Second Empire (qui ne fut finalement guère plus favorable à l’Eglise que les Ière, IIème et IIIème Républiques):

« Quand Dieu, dans ses desseins mystérieux et impénétrables, prend par la main un homme, quel qu'il soit, pour l'élever à la gloire d'être, ne fût-ce que momentanément, le chef d'une nation comme la France, il lui offre toujours des grâces au moyen desquelles il pourra, si sa volonté y correspond, accomplir utilement sa mission » [x].

Pour preuve que ce grand pape, surtout dans le contexte, depuis 1879, de l’arrivée au pouvoir de J. Ferry avec toutes les lois votées contre l’Eglise (contre son enseignement et ses congrégations ; pour la laïcisation de toute la vie publique), espérait un retour de l’Etat ou du gouvernement français à sa vocation première, exclusivement œuvre de ses rois, est cette parole qu’il a adressée au R. Père Lermus, o.m.i.:

« Je crois que la France sera sauvée par la Ste Vierge et par le Sacré Cœur, par Lourdes et par Montmartre. Une nation, qui a ces deux manifestations de l’amour du Ciel, ne peut périr. Mais elle deviendra la plus grande des nations ! » [xi].

Et il avait, dit-on, l’habitude de dire chaque jour cette courte prière composée par lui-même :

« Ô Marie conçue sans péché, regardez la France, priez pour la France, sauvez la France ! Plus elle est coupable, plus elle a besoin de votre intercession. Un mot à Jésus reposant dans vos bras et la France est sauvée ! Ô Jésus, obéissant à Marie, sauvez la France ! »

Comment ce pape eût-il parlé et prié ainsi s’il avait été satisfait du nouveau gouvernement en France?!

Et les événements de l’époque semblaient déjà lui donner raison :

« Le mouvement du pèlerinage a étonné le monde qui croyait cette pratique révolue et périmée ; au contraire, Lourdes a attiré les foules dès le début des apparitions et fait reprendre la route des fidèles vers Rome, Jérusalem, Poitiers, Tour, Paray le Monial, Rocamadour, Le Puy. La France renoue ainsi avec son passé. Face à la société civile qui dès 1880 voudrait éradiquer la foi en France, en expulsant les congrégations religieuses et en essayant de former elle-même les consciences des enfants par ses écoles laïques, le vaste mouvement des pèlerinages à Lourdes conforte la foi des chrétiens devant tant d’hostilité (…) Ainsi Lourdes devient en cette période si troublée pour la foi, où le pape lui-même est de plus en plus isolé, le grand refuge de la chrétienté » [xii].

Ainsi que cette belle prière lors de la Manifestation de la France à Lourdes en 1872 :

« O Vierge immaculée, N. D. de Lourdes (…), nous sommes venus, envoyés de tous les départements de notre France, vous rappeler que notre peuple est votre peuple et, qu’obéissant à votre voix, il veut de nouveau vous dire qu’en vous est sa foi et sa confiance (…) Nous venons vous demander de nous ramener à votre cher Fils Notre Seigneur ; nous venons pour que vous obteniez pour la France pardon et miséricorde. Nous promettons de redevenir chrétiens, nous voulons faire réparation publique des outrages qui sont faits à la divinité de notre bien aimé Sauveur Jésus-Christ (…) Refaites la France en nous rendant nos malheureux frères ! Elle est toujours la fille aînée de l’Eglise, elle croit, elle aime, elle prie ; et Vous êtes sa Reine. Elle est sûre de son salut et de redevenir par vous la vieille et puissante nation catholique (…) Que Dieu la reprenne comme sa fille aînée, qu’Il l’élève au dessus de tous les peuples de la terre, que ses ennemis deviennent l’escabeau de ses pieds ! Amen».

Il n’y a aucune opposition mais parfaite continuité entre cela et la fameuse déclaration de l’illustre successeur de Léon XIII élevé à l’épiscopat [xiii] et au cardinalat [xiv] en pleine connaissance de cause par son prédécesseur:

« Le peuple qui a fait alliance avec Dieu aux fonts baptismaux de Reims se convertira et retournera à sa première vocation (…) Les fautes ne seront pas impunies mais la fille de tant de mérites, de tant de soupirs et de tant de larmes ne périra jamais. Un jour viendra (…) où la France (sera) comme Saül sur le chemin de Damas (…) » [xv].

Y aurait-t-il eu, par contre, opposition entre ces deux grands papes à cause de l’autre affaire, aussi célèbre que le « ralliement », que fut celle du refus par Pie X des « Cultuelles », pourtant approuvées par la grande majorité de l’épiscopat français [xvi], lors de la crise engendrée par la loi de Séparation ? Est il vrai que, comme n’a pas craint de l’écrire récemment un publiciste, sûr de trouver là un écho favorable chez certains « intégristes » de ce XXIème siècle commençant : « La politique ecclésiastique de St Pie X, opposée à celle de son prédécesseur, représente, en ultime analyse, une condamnation historique du ralliement » [xvii]?

Léon XIII avait demandé aux catholiques français d’accepter la république comme nouveau régime mais non en tant que laïciste. St Pie X n’a pas demandé aux mêmes catholiques de ne plus soutenir la république en tant que régime mais seulement de résister à ou de refuser son laïcisme. Où est donc l’opposition sous ce rapport ? Où est la condamnation historique du ralliement ?

Léon XIII a fait une concession politique et nullement doctrinale en espérant un arrêt des mesures anticatholiques. St Pie X, en refusant le régime commun des « cultuelles » accordé par l’Etat à la religion catholique, comme à toute autre religion, n’a fait aucune concession car, en l’occurrence, elle aurait d’abord été doctrinale avant d’être politique. Où est donc l’opposition sous cet autre rapport ?

Léon XIII espérait qu’en échange de la reconnaissance publique et bienveillante, sans contreparties explicitement exigées [xviii], par le pape lui même de la légitimité de la république en tant que régime (non en tant que libérale et anticatholique), les catholiques français (ni libéraux, ni « intégristes ») pourraient amadouer ses gouvernants (libéraux et anticatholiques) ou les faire renoncer à l’exécution de leur plan de destruction de l’influence dominante de l’Eglise sur la société civile, notamment par l’enseignement. Il n’en fut rien!

St Pie X, au moins fort de l’expérience apportée par les évènements (entre 1891 et 1906), ne pouvait plus avoir aucune illusion. Il a alors appliqué à la vie temporelle le fameux adage de la vie spirituelle [xix] : « on ne discute pas avec le diable », qui est menteur et homicide [xx] depuis le commencement, dans la mesure où certains hommes se comportent exactement comme lui, se révèlent donc être malheureusement ses suppôts!

Comment peut-on alors en arriver à dire, comme le même publiciste : « d’une tendance politique aux concessions et au compromis, il faudra conclure que Léon XIII est un esprit libéral » ?! Si, en effet, le libéral accepte des compromis, c’est sur les principes en étant capable d’agir en contradiction flagrante avec les intangibles dogme et morale catholiques, comme avec la liberté religieuse (opposée au dogme « hors de l’Eglise point de salut ») et l’œcuménisme (opposé à la vraie tolérance du mal) à Vatican II. Léon XIII a-t-il accepté de tels compromis avec les ennemis du catholicisme? Nullement mais, encore uns fois, seulement au niveau politique ou diplomatique, ce qui en soi n’a rien d’immoral : tous les concordats sont des compromis ou des concessions de l’Eglise par rapport à des gouvernements plus ou moins hostiles comme en France depuis la Révolution ! Il n’a donc rien de libéral, ni en théorie, ni en pratique, ni en esprit !

Il a, par contre, pu pécher par excès de bonté sacerdotale ou par manque de réalisme, en s’illusionnant paternellement sur le degré de malice des nouveaux ennemis de l’Eglise à l’œuvre depuis le XVIIIème et encore de nos jours. Alors que St Pie X, qui avait été bien plus sur le terrain, davantage au contact de la grande misère surtout morale de l’humanité que son aristocratique et diplomate prédécesseur, avait vraisemblablement plus les pieds sur terre. Il y a là, si on veut, une certaine mais somme toute légère opposition entre les deux personnalités papales, une différence de caractère et non de doctrine !

Néanmoins « exemple, chez Léon XIII, d’une illusion grave, dit Mgr Lefebvre, sur leurs interlocuteurs » par ses conséquences comme, continue t il, chez les papes après Pie XII qui montrèrent, eux, en plus, de graves faiblesses doctrinales ou sympathies pour le libéralisme ou le « modernisme ». Conséquences gravissimes qu’est actuellement l’athéisme au moins pratique de tout un peuple à cause du laïcisme que n’a, certes, pas su ou pu tuer dans l’œuf Léon XIII ; et que sont la prolifération de l’islamisme radical jusque dans cette population autrefois très catholique à cause de l’affadissement de l’enseignement et de l’irénisme d’un Concile. « Illusion grave » de ce dernier quant aux desseins inavouables de la Franc-maçonnerie, mère de la liberté religieuse; et sur les autres religions dont la plupart se moquent totalement de l’œcuménisme qui n’est donc qu’à sens unique...

Bertrand Y.

[i] cf. notre autre article : Le « libéral catholique » et le « catholique intégriste »

[ii] accusation totalement fausse (calomnie!) des « intégristes » : « M Piou (à qui je me plais à rendre un hommage mérité) (…) toujours respectueux des décisions du St Siège et ses amis formèrent à la Chambre un groupe de députés qui prit le nom de « droite constitutionnelle » ; quelqu'un leur donna le nom de « ralliés » et on désigna ensuite sous ce nom tous ceux qui adoptèrent la politique du St Siège » (témoignage du Cal Ferrata qui fut nonce à Paris). On établira sans difficulté des parallèles avec des situations analogues de notre époque.

Le jugement téméraire, comme celui de « ralliement », est donc l’un des travers des « intégristes » et l’une des causes de leurs positions. Voici ce que dit un historien à propos du Secrétaire d’Etat de Léon XIII, le Cardinal Rampolla, accusé par eux d’être franc-maçon: « Une telle appartenance n’a jamais été évoquée, à l’époque, ni dans les dépêches et rapports des diplomates, ni dans les écrits des participants au conclave (de l’élection de Pie X), ni même par les « intégristes » de la Sapinière (sous Pie X). Ce n’est qu’après le pontificat de Pie X que la rumeur a commencé à se répandre. On peut penser que si en 1903 (ou sous Léon XIII) il y avait eu le moindre soupçon à ce sujet, le Cal Sarto devenu pape aurait écarté le Cal Rampolla de toute fonction publique dans l’Eglise. Or, si celui-ci perdit la charge de Secrétaire d’Etat, il conserva sous le pontificat de Pie X la plupart des autres charges et en obtint de nouvelles ». A propos du véto de l’empereur d’Autriche qui empêcha l’élection de Rampolla, le même historien montre que les raisons en étaient des ressentiments d’ordre politique comme l’appui du cardinal aux Slaves dans les Balkans (in « St Pie X, réformateur de l’Eglise », Y. Chiron, 1999).

[iii] « Réflexions sur Gaudium et Spes », 8 décembre 1990

[iv] cf. son encyclique magistrale « Libertas » du 20 juin 1888

[v] la déclaration de la non opportunité de toute participation aux élections politiques, formulée par la Sacrée Pénitencerie en 1874; cette interdiction avait été traduite par l'abbé Margotti dans le slogan populaire « ni électeurs, ni élus ». La prohibition ne visait toutefois par les élections administratives provinciales et communales.

[vi] « politique du possible » ou réaliste de l'ex-Cardinal Pecci (Léon XIII) à qui l’on doit la remise à l'honneur du thomisme, de la philosophie réaliste par excellence, notamment dans les séminaires

[vii] créé cardinal en 1879, un an avant sa mort, alors que Poitiers n’était pas un siège épiscopal « cardinalice ».

[viii] cf. Histoire du Cal Pie par Mgr Baunard

[ix] réussies par ailleurs : en Allemagne et en Suisse (fin du Kulturkampf); en Irlande et aux Etats-Unis etc.

[x] « Dictionnaire Pratique des Connaissances Religieuses », 1925, art. «Pie »

[xi] Chantal Touvet(CT), historienne de l’art et conservatrice de collection d’art religieux, collaboratrice de R. Pernoud et Mgr Branthomme, in « Histoire des sanctuaires de Lourdes de 1870 à 1908 : la vocation de la France », NDL, 2008

[xii] CT, p 653

[xiii] « Si le diocèse de Mantoue n’aime pas son nouveau pasteur, il prouvera qu’il est incapable d’aimer qui que ce soit car Mgr Sarto est le plus vénérable et le plus aimable des évêques », déclara le souverain pontife à la sortie de l’entrevue avec son futur successeur qu’il avait voulu nommer spécialement à cette place en raison de grandes difficultés à affronter

[xiv] 3 jours seulement après l’avoir élevé au siège patriarcal de Venise, ce qui ne s’était jamais vu et montre que le souverain pontife, déjà très âgé, voulait donner à St Pierre le meilleur successeur possible...

[xv] St Pie X, allocution aux cardinaux de nov. 1911

[xvi] les 30 mai et 1er juin 1906, l’épiscopat français tint une réunion plénière. Au scrutin secret, par 48 voix contre 26, la majorité déclara qu’il y avait lieu de chercher un modus vivendi qui permit de créer des associations à la fois légales et canoniques. Un 2nd vote, par 56 voix contre 18, adopta la projet présenté par l’archevêque de Besançon dont la base n’était autre que le projet des « Cultuelles » approuvé par le gouvernement.

[xvii] Roberto de Mattei in « Correspondance européenne » du 31 janvier 2016

[xviii] par un nouveau concordat, par exemple

[xix] avec cependant modération, force et suavité ou analogiquement car les hommes, aussi méchants soient ils, ne sont quand même pas des démons à strictement parler !

[xx] en recherchant la mort surtout spirituelle et éternelle des hommes; mais aussi parfois la mort physique en suscitant toutes les persécutions sanglantes contre l’Eglise

vendredi 12 février 2016

Le Cardinal Baudrillart et Monseigneur Lefebvre, fils éminents de France et de l’Eglise

En des temps où une rare médiocrité de l’esprit et des mœurs est reine, à tous les degrés de la société humaine, il est édifiant et revigorant pour l’âme de s’arrêter sur de très belles figures du passé pas nécessairement éloigné. Henri-Marie-Alfred Baudrillart est à l’évidence l’une d’elles, l’une des gloires de la France (qui l’a fait, entre autres, Commandeur de la Légion d’Honneur) et de l’Eglise. Il vécut à peu près exactement à cheval sur les deux derniers siècles : né et mort à Paris en 1859 et 1942.

Ceux-ci furent, certes, déjà riches en évènements déplorables dont la signification et la grande gravité suffisent à expliquer en majeure partie nos immenses malheurs présents ; puisqu’ils virent les premiers triomphes de la nouvelle ère révolutionnaire inaugurée juste avant eux et qui ne cesse depuis de ruiner de fond en comble le chef d’œuvre magnifique laborieusement édifié sur notre terre par nos aïeux pendant dix-huit siècles : la civilisation judéo-chrétienne et française! Celui qui deviendra, entre autres titres glorieux, prince de l’Eglise (archevêque et cardinal), de la pensée (docteur es-lettres et en théologie) et de la langue (académicien), est lui-même un chef d’œuvre de l’intelligence et de la grâce, une personnalité d’une noblesse comme on n’en fait plus et en laquelle se récapitule magnifiquement cet héritage incomparable !

Il est vrai qu’il pouvait bien y avoir quelque chose d’inné en cette intelligence hors du commun qui, telle un chêne magnifique qui puise sa substance par ses racines plongeant en de multiples strates fertiles, est le fruit de plusieurs générations familiales qui s’étaient avant lui élevées au faîte de la pensée : « vous rentrez aujourd’hui dans la maison de votre famille, lui dit l’académicien qui le reçut officiellement sous la Coupole. Votre arrière grand-père, votre grand-père, votre père furent membres de l’Institut (...) Dès que vous avez marché, vos pas inégaux ont mesuré les gros pavés moussus de nos cours (...) Treize membres de votre famille appartenaient alors à l’Institut » !

Ainsi bien dotée au départ, puis avec l’incomparable émulation d’un climat familial des plus sérieux et sévères, comme grâce aux meilleures institutions et aux meilleurs maîtres, mais surtout par l’application au travail la plus précoce, la plus assidue et la plus persévérante, on doit à cette intelligence d’avoir été lauréate des concours les plus prestigieux (concours général à 13 ans, Ecole Normale à 19 et agrégation à 22) et, ayant à peine passé 30 ans, l’auteur d’une thèse de doctorat en histoire, entre autres, de plus de 3000 pages et récompensée d’un double prix par l’Académie elle même...

A ces pour le moins excellentes aptitudes d’esprit s’ajoutent de non moins excellentes dispositions d’âme grâce notamment, comme la plupart du temps, à l’influence de la mère (fille aussi d’académicien) qui obtint du père l’entrée au Collège des prêtres plutôt que dans les lycées parisiens les plus renommés ; et qui lui adressa ce magnifique avertissement, aux accents de celui d’une Blanche de Castille à son propre fils, le futur St Louis: « mon enfant, tu vas entrer au collège. Pour la première fois, à l’éducation que te donneront tes parents va se joindre celle de tes maîtres ; tu apprendras bien des choses ; demande au Bon Dieu que tout cela soit pour sa gloire » ! On ne s’étonnera pas qu’à pareille double école, non seulement la résolution de devenir prêtre fut irrévocablement prise dès l’âge de 17 ans mais, fait bien plus remarquable, qu’elle demeura intacte pendant les 15 années passées ensuite sur les bancs des classes préparatoires et de l’Ecole Normale puis dans les chaires d’enseignant en collège et en université afin de satisfaire les légitimes ambitions... paternelles!

Mais un être aussi exceptionnel pouvait il, à l’âge désormais de 31 ans, emprunter la voie commune vers le sacerdoce ? Il choisit d’allier l’état de perfection (vœux de religion) à la prêtrise en entrant à l’Oratoire. Il est vrai que son supérieur était, alors, le cardinal Perraud, lui-même normalien et académicien ; et qu’à ce jour, il y a eu 17 académiciens (sans compter tous ceux, bien plus nombreux, qui ne furent membres que de l’Institut...) pour cette seule congrégation en 4 siècles d’existence ! Il faut donc reconnaître qu’il y avait pour le jeune Baudrillart une certaine prédestination à y entrer! Il ne fut ordonné qu’au bout de 3 années de théologie (doctorat 2 ans plus tard) suivies aux Carmes, c.à.d. à l’Institut Catholique de Paris, probablement afin de reprendre, dès 1894, la chaire de Maître de Conférences en histoire qu’il y occupait déjà, depuis 1883, de façon sans doute très remarquée.

On ne s’étonnera pas qu’il reçoive ensuite la charge du même Institut. C’était en 1907, en plein règne de Pie X et surtout en pleine crise du « modernisme » qui divisait notamment le clergé français et qu’allait vigoureusement condamner, comme « collecteur de toutes les hérésies », ce saint pape (encyclique « Pascendi » de 1908). Il ne fait aucun doute qu’une telle nomination, alors doublement importante, ait été contrôlée et approuvée par Rome qui élèvera, l’année suivante, le nouveau Recteur à la dignité de Prélat de sa Sainteté. De même pour l’autre lourde charge qu’il recevra en même temps, celle de vicaire général pour le grand diocèse de Paris.

Ce qui suit, mais qui est en réalité survenu juste avant ces deux années chargées d’honneurs, confirme et explique tout à fait cette approbation romaine, garantie alors d’orthodoxie. C’est dans cette vie l’évènement qui la caractérise peut être plus qu’aucun autre trait. Avec la loi de Séparation de 1905, on était aussi en pleine crise grave entre, d’une part, l’Eglise en France et à Rome, et, d’autre part, le gouvernement français. Celui-ci ne reconnaissant plus, dans un pays encore catholique à plus de 90%, cette religion comme seule religion officielle, il s’ensuivit qu’il voulut lui donner comme nouveau statut celui accordé à et commun avec les autres religions (les « cultuelles ») pratiquées par un nombre insignifiant de Français de l’époque. Ce projet gouvernemental est soumis à Mgr Baudrillart en même temps qu’à l’ensemble des évêques. De leur côté, ceux-ci l’approuvèrent à une large majorité ; de son côté, celui là émit confidentiellement l’avis suivant : « quoi qu’on puisse dire, soyez sûr que le pape rejettera la loi ! ». En effet, six mois plus tard, le 10 août 1906, St Pie X la rejeta [i]... La suite est alors logique : sacré évêque titulaire en 1921, nommé Assistant au trône pontifical en 1925, archevêque titulaire en 1928 et enfin cardinal en 1935 ; sans parler de son appartenance à plusieurs Congrégations romaines.

Il faut donc souligner la clairvoyance exceptionnelle dont le futur cardinal fit preuve en 1906 et que sa grande intelligence ne peut suffire à expliquer. Pour la comprendre, qu’on nous permette le rapprochement avec l’autre haute personnalité du clergé français que fut, dans la deuxième moitié du XXème, Mgr Marcel Lefebvre promis aussi, sous Pie XII, au chapeau cardinalice si n’étaient survenus à Rome, après ce grand pape, les très graves événements que l’on sait ! Dans sa grande humilité, ce saint évêque avouait, devant ses séminaristes, qu’avant sa propre entrée au séminaire, au début des années 20, il ne comprenait pas vraiment ce qu’il y avait de mal dans la loi de Séparation, lui le futur et incorruptible pourfendeur de la liberté religieuse, comme de l’œcuménisme, de Vatican II ! Et que c’est son séminaire, à Rome, avec en particulier l’étude commentée des encycliques papales du XIXème, qui le lui fit comprendre parfaitement. Il en conçut, dès lors, un attachement indéfectible à l’esprit romain auquel s’oppose l’esprit gallican et libéral. Il y a donc cette grande et essentielle ressemblance, et sans doute encore d’autres (comme d’avoir eu raison contre la grande majorité des évêques...), entre ces deux grands princes de l’Eglise et grands français. Ce qui est encore remarquable pour Mgr Baudrillart, c’est qu’il ne fut pas formé à Rome ; mais il avait une connaissance profonde de l’histoire en général et de l’histoire de l’Eglise en particulier. Il suffit de lire ses Conférence à Notre-Dame de Paris, au Carême de 1928, sur « la vocation catholique de la France et sa fidélité au St-Siège à travers les âges » pour s’en convaincre et tomber sous le charme incomparable d’une éminente science historique alliée à un non moins éminent esprit romain.

En voici des extraits : « Au cours du différend entre Philippe le Bel et Boniface VIII, on n’avait cessé de répéter que le roi de France n’a nul souverain hors Dieu et que ses actes ne relèvent de personne ici bas. C’était affirmer l’absolutisme royal et forger les chaînes des sujets, ecclésiastiques et laïques. Philippe avait échappé à un jugement du pape ; son fils Louis X eut affaire à une révolte générale. Au point de vue international, la France n’avait elle pas cependant remporté un incomparable triomphe ? Contemplez encore aujourd’hui ce colossal palais, à demi restauré, qui, du rocher des Doms, domine le Rhône large et impétueux : ce fut le Vatican français (...) Soixante treize ans durant, le St Siège ne compta que de papes français (...) Ici encore je m’arrête et je pose la question : fût-ce un bien même pour la France ? Les historiens étrangers, y compris les plus renommés, ont traité et traitent encore les papes d’Avignon avec une malveillance qui touche parfois à la calomnie. Ces papes furent de vrais papes et n’oublièrent pas leur mission essentielle, universelle, catholique (défense intégrale de la doctrine, mission apostolique en organisant les missions en Chine, en Perse, en Arménie, en Egypte, en Abyssinie, au Maroc etc.) (...) Et cependant, force nous est de le reconnaître, le séjour de la papauté en Avignon a été néfaste et, si peu flatteur que ce soit pour notre amour propre, ce n’est pas à tort que l’histoire de l’Eglise le compare à la Captivité de Babylone. La papauté, pour ne rien perdre de son caractère universel et international, a besoin non seulement d’être libre mais de le paraître (...) Par son appel au pape, en 1431, appel repoussé par ses juges, fauteurs de schisme, la sainte héroïne, Jeanne, avait montré à ceux qui trop facilement l’oubliaient le centre de l’unité, le chef désigné par le Christ, le pontife romain. Grâce à elle la monarchie nationale et la France catholique ramenées à leurs traditions allaient retrouver leur juste place dans l’Europe et dans l’Eglise. En vérité Dieu n’a point agi de même avec tous les peuples ! (...) Vers 1560, la situation de l’Eglise semblait désespérée (des pays entiers venaient de sombrer dans le protestantisme). Elle se tourna vers le peuple de France et lui posa la question du Christ aux douze apôtres : « Et vous aussi, voulez vous vous en aller ? » Et le peuple de France répondit comme Simon Pierre : « Seigneur, à qui irions nous ? Vous avez les paroles de la vie éternelle ». Trente deux années durant il allait verser des flots de sang pour demeurer catholique et romain » !

Pour que nos deux prélats français aient eu cette perspicacité dans des circonstances à la fois propres à chacun mais analogues et très délicates, leur science aussi étendue fut elle, et que possédaient aussi plus ou moins leurs pairs et contemporains, ne pouvait suffire. Devait s’y ajouter une espèce d’instinct qui n’est bien sûr pas de l’ordre de la nature car intimement lié à la foi, qui est donc surnaturel et révélateur d’un degré de foi aussi hors du commun, inséparable d’un degré semblable dans la vie intérieure de la grâce. Ce sens aigu de la foi, connaturel à l’esprit éminemment romain, est un trait d’autant plus extraordinaire chez le plus ancien qu’il ne vécut jamais à Rome mais exclusivement à Paris, capitale du gallicanisme qui n’était pas mort, et très contaminée dans les milieux catholiques par les idées libérales répandues surtout depuis la Révolution.

Il nous est particulièrement agréable de voir ces deux grandes figures du clergé français, au XXème siècle, réunies sous la même bannière !

B.Y., février 2016

[i] tout à fait dans la ligne de l’enseignement de Pie IX, entre autres, que Mgr Baudrillart devait très probablement connaître sinon, semble t il, la plupart des évêques français... ; notamment dans « Quanta Cura » avec le fameux « Syllabus », du 8 décembre 1864, condamnant déjà la thèse du « droit commun » ou des propositions comme « l'Eglise doit être séparée de l'Etat et l'Etat séparé de l’Eglise », « à notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion d'Etat, à l'exclusion de tous les autres cultes », « il est faux que la liberté civile de tous les cultes et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des moeurs et de l'esprit; et propagent la peste de l'indifférentisme » etc.. ; donc condamnant aussi à l’avance la liberté religieuse et l’œcuménisme de Vatican II car de facto et de jure cela met sur un pied d’égalité la religion catholique et les autres religions, la vérité et l’erreur, ce qui est en soi inacceptable aux yeux de la foi catholique.